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Majorité numérique à 15 ans : quel est l’intérêt et quelles sont les limites ?

par Paul Metraux
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Comment contrôler l'accès des adolescents aux réseaux sociaux

Dans une ambiance un peu plus consensuelle que pour la réforme des retraites, l’Assemblée nationale a voté le 2 mars dernier la majorité numérique à 15 ans. Cette proposition de loi, qui doit encore être adoptée par le Sénat avant d’être promulguée, s’inscrit dans un climat de défiance vis-à-vis des réseaux sociaux dont l’influence auprès des adolescents se révèle pour le moins néfaste. Cette mesure de protection de la jeunesse part d’une excellente intention, notamment pour lutter contre le harcèlement en ligne. Mais au-delà de l’effet d’annonce, comment faire appliquer cette nouvelle règle ? Quel est l’intérêt de la majorité numérique à 15 ans et quelles en sont les limites ?

Les majorités, un peu d’histoire

On distingue plusieurs sortes de majorités. Il y a d’abord la majorité civile, la plus importante, celle qui consacre le droit d’un individu à l’autonomie juridique. Cette majorité civile était à 25 ans sous l’Ancien Régime puis à 21 ans après la Révolution. Elle a été abaissée à 18 ans en 1974 sous la Présidence de Valéry Giscard d’Estaing.

Cette majorité civile est différente de la majorité matrimoniale c’est-à-dire de l’âge du mariage sans consentement des parents. La majorité matrimoniale est à 18 ans en France. Il ne faut pas confondre avec la nubilité, âge du mariage avec l’accord des parents. Cet âge est de 18 ans depuis 2006. Auparavant, il était de 15 ans pour les filles et de 18 ans pour les garçons. Il y a aussi la majorité sexuelle fixée à 15 ans en France.

On peut y ajouter d’autres variantes : l’âge du droit de vote (il peut être différent de la majorité civile), l’âge pour conduire un véhicule, avoir un permis de chasse etc. Tous ces âges varient selon les périodes de l’Histoire et les Pays.

La majorité numérique, une nouveauté

Ce concept a d’abord été discuté en 2018 avec la loi sur la protection des données personnelles pour intégrer les prescriptions du RGPD. L’âge de 15 ans était évoqué sans formalisation juridique. Avec la proposition de loi votée par les députés le 2 mars, la majorité numérique à 15 ans est gravée dans le marbre. Elle fixe l’âge à partir duquel on considère qu’une personne maîtrise son image et ses données personnelles. Le « majeur numérique » est en mesure de donner son accord, sans autorisation parentale, pour que ses données soient utilisées par des services en ligne.

Cette majorité sera requise pour s’inscrire seul à un réseau social. Au-dessous de 15 ans, les plates-formes numériques devront recueillir une preuve d’autorisation parentale.

La majorité numérique, pourquoi faire ?

Les promoteurs de la loi (le groupe Horizons de l’ancien Premier Ministre Edouard Philippe) souhaitent lutter contre le cyberharcèlement qui fait des ravages chez les jeunes. La comparaison est souvent faite avec les politiques publiques déjà menées sur le tabagisme. L’objectif est aussi de donner un repère aux parents et aider à la fixation légale des interdits. Cette initiative s’inscrit ainsi dans une démarche globale qui vise à encadrer les usages numériques des plus jeunes. On peut consulter à ce sujet le site gouvernemental jeprotegemonenfant.

Comment faire respecter la majorité numérique ?

Aujourd’hui les plates-formes affichent une référence à un âge de 13 ans pour l’utilisation des réseaux sociaux. Dans le monde réel, les études montrent que plus de la moitié des enfants de 12 ans ont un compte sur un réseau social. Et dans son état actuel, la loi ne dit pas comment les plates-formes recueilleront le consentement des parents. La loi ne peut pas fixer un dispositif technique précis dans la mesure où les technologies évoluent très vite. C’est donc l’ARCOM qui se verrait confier le soin de prévoir ces dispositifs. A noter aussi qu’en cas de non-respect des obligations de vérification de l’âge, un dispositif de sanctions financières très importantes est prévu (jusqu’à 1% du chiffre d’affaires mondial de la plate-forme).

Epilogue

Finalement, quel est l’intérêt de la majorité numérique à 15 ans et quelles en sont les limites ? Cette proposition de loi est une avancée consensuelle. C’est la raison pour laquelle elle a été votée à la quasi unanimité des députés. Cependant son application reste problématique. La vérification de l’âge est techniquement complexe dans un contexte où les plates-formes n’ont pas de frontières. Cette question reste toujours en débat, et sans solution aujourd’hui, pour l’accès aux sites pornographiques. Il faut espérer qu’on puisse, un jour, aller au-delà des effets d’annonce. Au-delà des prescriptions juridiques, si utiles soient-elles, il faut aussi s’intéresser à l’éducation au numérique mais c’est un autre sujet…

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