En voiture Simone ! Thierry Breton est au volant. Et l’on va commencer à voir si la régulation européenne porte ses fruits. L’heure de vérité (numérique) pour l’Europe sonne. La fin de l’été 2023 (25 août plus exactement) marque en effet la première étape d’entrée en application du règlement européen sur les services numériques (RSN). Autrement nommé DSA (Digital Services Act). C’est un moment politique essentiel pour l’Europe. L’Union européenne a-t-elle les moyens de tordre le bras des géants du numérique ?
Un texte (très) ambitieux
Dès aujourd’hui, sont concernées dix-sept plateformes en ligne (principalement des réseaux sociaux et des places de marchés) et deux moteurs de recherche, chacun utilisés par plus de 45 millions de citoyens européens. Désignés par la Commission européenne, ils doivent se conformer aux obligations les plus exigeantes de ce règlement. Il s’agit de la protection des publics (atteintes à la dignité humaine, harcèlement, risques spécifiques pour les mineurs, haine en ligne, biais discriminatoires, vente de biens ou services illicites, etc.). Il s’agit aussi de stabilité de nos sociétés démocratiques (désinformation, appels à la violence, opérations de déstabilisation des élections coordonnées par des États tiers, etc.).
Ce texte (très) ambitieux offre un cadre réglementaire nouveau. Il veut responsabiliser les grands acteurs du numérique. En leur imposant de déployer les moyens nécessaires à la construction d’un internet plus sûr. Il exige également d’eux qu’ils rendent compte de leur action en respectant un haut niveau de transparence. Objectif : mieux garantir les libertés numériques des citoyens de l’Union.
l’ARCOM comme coordonnateur français
Pour assurer la mise en œuvre du règlement européen à l’échelle nationale, le texte prévoit que chaque pays désigne une autorité indépendante pour assurer les fonctions de « coordinateur pour les services numériques ». Le Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, adopté au Sénat et examiné à la rentrée à l’Assemblée nationale, prévoit de confier ce rôle à l’ARCOM pour la France.
L’Autorité participerait alors, avec ses homologues au sein d’un Comité européen des services numériques, à la supervision des obligations des grands acteurs régulés par la Commission européenne. Par ailleurs, à compter du 17 février 2024, le règlement impose, sous le contrôle des autorités nationales, de nouvelles obligations aux plateformes ayant moins de 45 millions d’usagers en Europe. En lien avec la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), et la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), l’ARCOM serait chargée de superviser le respect de ces obligations par les services numériques établis en France.
Les acteurs numériques concernés
Alibaba AliExpress, Amazon Store, Apple AppStore, Booking.com, Facebook, Google Play, Google Maps, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, TikTok, X (anciennement Twitter), Wikipedia, YouTube et Zalando. Et deux moteurs de recherche : Bing et Google Search.
A suivre
Une sorte de bras de fer plus ou moins soft s’engage. Jusqu’à maintenant les grands acteurs du numérique ont contourné les obstacles mis en place par l’Europe. De grosses amendes mais pas ou peu payées. Des collectes de données sans véritable frein et le sentiment d’une impunité. Aujourd’hui l’Europe veut mettre en oeuvre une sorte de dissuasion nucléaire. Observons les effets. En tout cas, c’est l’heure de vérité (numérique) pour l’Europe et c’est un test politique majeur.