Eric Dupont-Moretti n’est pas seulement l’homme des bras d’honneur à l’Assemblée nationale. Il est aussi en charge de quelques dossiers de fond au Ministère de la Justice. Parmi ces dossiers, figure celui de la transformation numérique de la Justice. Lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, un premier plan a été engagé pour moderniser l’institution judiciaire. Mais les acteurs du quotidien (magistrats, greffiers….) restent insatisfaits et ne mesurent pas toujours les bénéfices attendus. Le Plan Dupont-Moretti affiche aujourd’hui une ambition très forte : la modernisation numérique et la justice zéro papier. Dans ce contexte complexe, le numérique est-il une solution à l’engorgement de la Justice ?
Première priorité du plan Dupont-Moretti : le plan de soutien informatique aux tribunaux
Les acteurs de la justice ont des demandes connues. Ils veulent des logiciels adaptés et mis à jour sur des matériels de bon niveau, des réseaux stables, un appui technique de proximité permanent. La réalité de la Justice aujourd’hui est celle de la lenteur pour le justiciable mais aussi, pour les magistrats, celle des plantages et du Wi-Fi poussif. Le Plan Dupont-Moretti prévoit donc le recrutement de techniciens informatiques de proximité pour qu’il y ait dans chaque ville accueillant un tribunal judiciaire un professionnel capable de gérer tous les problèmes avec rapidité. Le Plan prévoit aussi, sur la base de schémas-types, le renouvellement des matériels : laptops, doubles écrans, Wi-Fi, VPN, outils de visio-conférence…
Deuxième priorité : les logiciels
Il y a aujourd’hui beaucoup d’outils, pas toujours bien maîtrisés (Portalis, Cassiopée, Vigie, Appi…). L’objectif du Ministre de la Justice est de parvenir à la convergence des outils avant 2027. Ainsi, il sera possible à un juge d’avoir une vision globale des données disponibles sur une enquête sans dépenser de l’énergie inutile pour passer d’un logiciel à l’autre. Cette idée du « logiciel unique » n’est pas neuve et le monde de l’entreprise y a souvent renoncé, mais les administrations aiment bien la centralisation.
Troisième priorité : le zéro papier
Au-delà du slogan déjà largement utilisé, avec des succès très mitigés, dans les grandes administrations publiques, le plan Dupont-Moretti veut atteindre des objectifs concrets :
. la signature électronique des décisions
. la transmission instantanée des pièces dématérialisées
. la fin des piles de dossiers poussiéreux qui constituent encore l’image de la Justice
Ce zéro papier a déjà commencé avec la PPN (Procédure Pénale Numérique) depuis 2018. 800 000 procédures ont ainsi fait l’objet en 2022 d’une transmission numérique. Fin 2023 les dossiers classés sans suite seront l’objet de transmissions dématérialisées. Le télétravail s’en trouvera facilité puisque les dossiers ne seront plus localisés dans les greffes ou les bureaux des juges. Le justiciable peut ainsi espérer ainsi que la Justice fonctionne enfin comme le reste de la société.
Enfin, parmi les mesures annoncées par le Ministre de la Justice figure celle d’une appli mobile grand public prévue pour avril 2023. Cette appli devrait permettre, à partir d’un smartphone, de simuler des pensions alimentaires ou une aide juridictionnelle, de trouver un avocat, de demander un extrait de casier judiciaire… Il est envisagé d’élargir, dans les années qui viennent, les fonctionnalités de cette appli.
Epilogue
Cette approche du Plan Dupont-Moretti à base de logiciels et d’applis censés résoudre tous les problèmes fleure bon la bureaucratie à la française. Les difficultés de la Justice, son manque de moyens durent depuis… au moins 70 ans. Alors, le numérique est-il une solution à l’engorgement de la Justice ? Il n’est pas sûr que les mesures annoncées soient à la hauteur des enjeux. Les administrations françaises ont expérimenté de nombreux plans et beaucoup de logiciels miracle, sans toujours parvenir à améliorer la qualité du Service Public. L’enjeu de la Justice est colossal. Il mérite une approche qui ne soit pas seulement celle d’une appli grand public et de techniciens de proximité pour les magistrats.