Le Cloud est un aujourd’hui un élément clé de la numérisation de l’économie. Dans ce secteur du Cloud, certains grands acteurs occupent une place prépondérante : Amazon, Microsoft et Google. La question des problématiques concurrentielles est donc clairement posée et un récent avis de l’Autorité de la Concurrence en propose une analyse détaillée avec…quelques propositions de solutions. Dans cet univers du Cloud, quelle est la concurrence entre les acteurs et quelles mesures sont possibles pour réguler ce marché ?
Le fonctionnement du Cloud
Trois grandes catégories de services Cloud sont distinguées selon les niveaux de responsabilité dévolus entre fournisseur de services et clients ;
IaaS (Infrastructure as a service) : le fournisseur met à disposition de l’utilisateur des infrastructures de type serveurs et stockage : c’est le mode le moins externalisé,
PaaS (Platform as a service) : c’est un modèle intermédiaire dans lequel le client bénéficie d’outils pour développer des applications,
SaaS (Software as a Service) : c’est le modèle le plus externalisé. Il permet à l’utilisateur d’accéder à des applications gérées intégralement par le fournisseur.
Les services Iaas et Paas sont plutôt destinés à des professionnels de l’informatique pour construire des solutions à usage interne ou externe. Les services SaaS concernent tous les utilisateurs. L’avis de l’Autorité de la concurrence se concentre d’abord sur les services IaaS et PaaS. Principalement parce que c’est là que les revenus sont les plus importants.
Source : Autorité de la concurrence, Avis 23-A-08 du 29 juin 2023, « le fonctionnement concurrentiel de l’informatique en nuage »
Un marché hyperconcentré
il y a beaucoup d’acteurs dans le Cloud : exploitants de centres de données, « pures players » de type OVH… Mais l’essentiel du marché s’organise autour de trois grands acteurs du numérique : Amazon Web services, Microsoft Azure et Google Cloud. En 2021, ces trois acteurs ont capté 80 % de la croissance des dépenses de Cloud. Ces trois « hyperscalers » bénéficient d’avantages concurrentiels liés à leur organisation en écosystèmes. Dans ces conditions, il est difficile pour un nouvel acteur de gagner des parts de marché. Pourtant ce marché se porte bien. Très bien même avec une croissance annuelle de 14%. On prévoit un marché de 27 milliards d’euros en 2025.
Source : Autorité de la concurrence, Avis 23-A-08 du 29 juin 2023, « le fonctionnement concurrentiel de l’informatique en nuage »
Les risques concurrentiels
Ces risques dont variés. Ils peuvent tenir au déséquilibre entre gros fournisseurs et clients avec la pratique des crédits cloud ou des « egress fees » (frais de sortie). Ils peuvent aussi correspondre à des situations spécifiques.
Les barrières tarifaires des grands acteurs
Source : Autorité de la concurrence, Avis 23-A-08 du 29 juin 2023, « le fonctionnement concurrentiel de l’informatique en nuage »
La pratique des crédits cloud peut présenter de l’intérêt pour les entreprises, notamment pour les startups. Mais l’Autorité de la concurrence met en garde contre les risques de verrouillage à terme (ce n’est pas un simple essai gratuit). En outre, les « petits » fournisseurs ne sont pas forcément en mesure de proposer ce type de services de manière rentable. Quant aux frais de sortie l’Autorité pointe leur déconnexion des coûts réels supportés par les fournisseurs.
Migration vers le Cloud : un avantage pour les opérateurs présents sur le site
Source : Autorité de la concurrence, Avis 23-A-08 du 29 juin 2023, « le fonctionnement concurrentiel de l’informatique en nuage »
Cette migration est complexe. L’Autorité de la concurrence a mis en évidence le risque de pratiques qui pourraient être considérées comme abusives du point de vue la législation européenne.
Migration de Cloud à Cloud : beaucoup d’obstacles
Source : Autorité de la concurrence, Avis 23-A-08 du 29 juin 2023, « le fonctionnement concurrentiel de l’informatique en nuage »
Barrières à l’expansion des concurrents
Le secteur est aussi marqué par des freins techniques à l’interopérabilité. Ceux-ci affectent l’ensemble des concurrents et particulièrement les fournisseurs de taille modeste, compte tenu de l’attractivité des écosystèmes cloud au moment de choisir un primo-fournisseur.
Les solutions possibles
L’Autorité de la concurrence détaille dans son avis une série de propositions pour contrôler ce marché du Cloud. Elles tiennent essentiellement en deux points principaux
— D’une part le droit de la concurrence permet d’ores et déjà d’appréhender les obstacles à la migration et à l’interopérabilité.
La législation Antitrust : lutte contre les ententes, abus de positions dominantes, abus de dépendance économique.
Le contrôle des concentrations
L’élargissement du contrôle, avec la possibilité de recours au droit général des pratiques restrictives de concurrence par la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes).
— D’autre part, l’évolution du cadre légal européen (DMA, DSA) et francais (projet de loi de sécurisation et de régulation de l’espace numérique) constitue un cadre favorable pour appréhender efficacement l’encadrement du marché du Cloud.
Pour tout savoir…
Tout est là : Le texte intégral de l’avis de l’Autorité de la concurrence
La lecture de l’avis est tout-à-fait intéressante. Au-delà du remarquable travail d’analyse, reste toujours la question de la capacité française et européenne à agir en termes de régulation numérique. C’est un vieux débat. Toujours pas tranché.