Avec ce petit ton légèrement bravache qui fait son charme, le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, a livré la liste des grandes plateformes en ligne qui ont désormais 4 mois pour se conformer aux obligations prévues par la loi européenne sur les services numériques (DSA). Ces géants du numérique (plus de 45 millions d’utilisateurs par mois pour chacun) doivent se conformer aux nouvelles règles européennes de protection des utilisateurs en matière de vie privée et de fake news. L’Europe veut ainsi réguler l’activité des plateformes en ligne.
C’est un objectif ambitieux et louable. Même si on peut toujours regretter que l’Europe soit davantage productrice de normes que d’innovations dans le domaine numérique. Mais ces géants numériques occupent une telle place dans l’économie mondiale qu’il n’est pas inutile de leur apporter quelques contraintes. Et la vieille Europe est dans son rôle en évitant les excès.
DSA, DMA, de quoi on parle ?
Avec le DSA (Digital Services ACT), loi sur les services numériques et le DMA (Digital Market Act), loi sur le marché numérique, l’Europe a adopté en 2022 un ensemble de règles pour les 27 pays de l’Union. Deux objectifs majeurs sont poursuivis :
. garantir un espace numérique sûr dans lequel les droits des utilisateurs sont protégés
. établir une concurrence équitable entre les entreprises
On entend par services numériques une très large gamme de services allant du simple site web aux plus grosses plateformes. L’ensemble des dispositions sont applicables sur le territoire européen et visent à créer un cadre juridique le plus protecteur possible. Le tout doit être opérationnel en 2024.
La liste des grosses plateformes
Une des premières décisions liées à cette grande offensive juridique de l’Union Européenne se concrétise dans l’établissement de la liste des plus gros services numériques qui seront les premiers à devoir se soumettre aux nouvelles règles. Il y a 17 plateformes. Cela concerne Alibaba AliExpress, Amazon store, Apple Apple Store, Booking.com, Facebook, Instagram, Linkedin, Pinterest, Snapchat, TikTok, Twitter, Wikipedia, Google Play, Google Maps, Google Shopping, YouTube et Zalendo. S’y ajoutent les moteurs Google Search et Bing. Quatre autres noms peuvent venir prochainement compléter cette liste : Télégram, Airbnb, Spotify et Pornhub.
Les exigences
Peu avare d’expressions un tantinet matamoresques, Thierry Breton n’a pas hésité à affirmer « Elon Musk fera ce qu’on lui demandera de faire s’il veut continuer à opérer sur le territoire européen ». Certes…
Il y aura des « stress tests » comme pour les banques et notre valeureux Commissaire européen indique qu’il pourrait lui-même y participer. Il faut donc que les plates-formes se conforment rapidement à plusieurs exigences :
– la protection des utilisateurs. Possibilité pour l’utilisateur de se retirer des systèmes de recommandation basés sur le profilage, absence de publicités fondées sur des données sensibles (origine, opinions, sexualités)….
– la protection des mineurs. Pas de publicité basée sur le profilage des enfants, garanties de confidentialité et de sûreté des mineurs, obligations d’évaluations des risques sur la santé mentale.
– la modération des contenus avec le renforcement des systèmes de protection contre les contenus illégaux, la désinformation.
– la transparence, avec l’obligation d’audits indépendants, l’accès aux données pour les chercheurs…
Chaque pays européen désignera un « coordinateur des services numériques » pour contrôler le respect des règles. En France ce sera l’ARCOM.
Les sanctions
Faute de respect de ces règles, les plateformes s’exposent à une amende pouvant atteindre 6% de leur chiffre d’affaires mondial avec, en dernier ressort, un bannissement temporaire du territoire de l’Union européenne. Sur le papier, la sanction est énorme compte tenu des volumes d’activité de ces plateformes.
A suivre…
Cette volonté de l’Europe de réguler les plateformes en ligne est essentielle. Comment sera-t-elle suivie d’effets ? C’est une autre question. L’Europe est une entité faible dans un monde dur. Elle oppose des principes et des valeurs à un reste du monde qui reconnaît plutôt… la force. L’avenir de ces dispositions et leur application dira beaucoup de l’avenir de l’Europe.